15/3/2023

La condition de majorité pour les représentants du protocole d'accord préélectoral

La validité du protocole d'accord préélectoral conclu entre l'employeur et les organisations syndicales est subordonnée à sa signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise. 

Article L 2314-6 du Code du Travail. 

Cette double condition de majorité s’applique à toutes les dispositions du protocole d’accord préélectoral.

Toutefois, pour certaines dispositions de ce protocole, le Code du Travail impose des conditions spécifiques de signature. Ainsi, nécessitent un accord unanime les dispositions portant sur : 

La modification du nombre et de la composition des collèges électoraux ; 

L’organisation du scrutin hors du temps de travail. Le protocole d’accord préélectoral peut modifier : Le nombre de sièges, donc le nombre de membres composant la délégation du personnel au CSE ; Le nombre d’heures individuelles de délégation à condition que le volume global des heures de délégation de chaque collège ne soit pas inférieur à celui prévu par le Code du Travail eu regard de l’effectif de l’entreprise. 

Article L 2314-7 du Code du Travail. 

À noter : La détermination des établissements distincts est un préalable nécessaire pour la mise en place du comité social et économique puisque cela détermine le périmètre de l'élection. 

Un établissement distinct ne correspond pas forcément à un établissement physique, il peut regrouper plusieurs sites, plusieurs locaux. Il correspond à une division de l’entreprise pour favoriser un meilleur exercice des missions des représentants syndicaux et des représentants du personnel. 

L'ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales prévoit que les établissements distincts sont désormais déterminés par un accord collectif et non plus par un protocole d'accord préélectoral. 

À défaut d’accord et en l'absence de délégué syndical, les établissements distincts sont déterminés par un accord conclu entre l'employeur et le CSE adopté à la majorité des membres titulaires élus et de la délégation du personnel du CSE. 

Si ces accords n'ont pu être signés, il revient à l'employeur de déterminer de manière unilatérale les établissements distincts. Cette décision est prise en fonction de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel. 

La décision unilatérale de l'employeur peut faire l'objet d'un recours devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation. 

Dès lors qu’un site ou un établissement est reconnu établissement distinct pour les élections professionnelles, des élections doivent se dérouler (quel que soit le nombre de salariés) sous peine qu’une partie des salariés ne soit pas représentée. 

Comment calculer la double condition de majorité ? : 

La majorité en nombre des organisations syndicales ayant participé à la négociation : 

Doivent être considérées comme ayant participé à la négociation les organisations syndicales qui, invitées à celle-ci, s’y sont présentées, même si elles ont ensuite décidé de s’en retirer. 

La majorité s’apprécie donc en considération du nombre d’organisations s’étant présentée, même une seule fois, à la négociation. 

Si 1 syndicat négocie et signe le protocole, l’ensemble des organisations syndicales ayant participé à la négociation l’ont signé ; le protocole est donc valable. 

Si 2 syndicats négocient mais 1 seul signe le protocole, 1 seul des syndicats ayant participé à la négociation l’a signé ; la double condition de majorité n’est donc pas remplie et le protocole n’est pas valable. 

La majorité des suffrages : 

Il faut que, parmi les organisations ayant participé à la négociation, figurent des organisations totalisant la majorité des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles. 

Le terme de « majorité », se suffisant à lui-même, implique au moins la moitié des voix plus une. Cass. soc., 15/11/17, n° 16-21.903 

Le cas particulier de la CFE-CGC : 

Le pourcentage attribué à la CFE-CGC, dans le cadre de la validité du protocole préélectoral, est calculé à partir des suffrages exprimés en sa faveur rapportés à l’ensemble des suffrages exprimés au niveau de l’ensemble de l’entreprise. 

À défaut de résultat disponible, on revient à la majorité en nombre : 

Les syndicats signataires devront représenter la majorité des organisations présentent dans l’entreprise. 

À défaut de syndicats dans l’entreprise, seule la première condition de majorité est applicable. Le protocole doit être signé par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation.

Vote électronique
Un syndicat catégoriel peut négocier et signer

Invitation des syndicats pour l'élection du CSE

En principe, le protocole d'accord préélectoral vaut uniquement pour l'élection du CSE pour laquelle il a été conclu. 

À chaque élection, l’employeur invite donc les syndicats intéressés à négocier un nouveau protocole afin de prévoir la répartition du personnel dans les collèges électoraux, la répartition des sièges entre les différentes catégories de salariés et de fixer les modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales. 

Le protocole d'accord préélectoral est généralement négocié au niveau de chaque établissement distinct mais il peut l'être au niveau de l'entreprise. 

Syndicats habilités à négocier le protocole d’accord pré-électoral CSE

L’employeur doit négocier le PAP avec l’ensemble des organisations syndicales légalement constituées et qui remplissent les conditions requises pour présenter des candidats dans l’entreprise : 

- les syndicats représentatifs dans l’entreprise ;

- les syndicats ayant constitué une section syndicale ; 

- les syndicats affiliés à une organisation reconnue, représentative aux niveaux national et interprofessionnel ; 

- tout syndicat qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constitué depuis au moins 2 ans, et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise ou l’établissement concerné. 

Un syndicat catégoriel peut négocier et signer, aux côtés de syndicats inter-catégoriels, un accord intéressant l’ensemble des salariés. En revanche, il ne peut pas le signer seul. 

L'employeur n'a pas à inviter à la négociation du PAP une section syndicale qui n'a plus d'adhérent. Cass. soc. 8 décembre 2021, n° 20-16.696. 

Invitation à la négociation du Protocole d’accord pré-électoral CSE

L'employeur invite les syndicats à négocier. 

L'invitation doit parvenir aux syndicats au plus tard 15 jours avant la date de la première réunion de négociation du PAP et 2 mois avant la date d’expiration du mandat des élus du CSE en place. 

Selon les syndicats, elle se fait par tout moyen ou par courrier. 

L'employeur adresse l'invitation au délégué syndical (DS) présent dans l’entreprise ou à l’organisation syndicale représentative qui l’a désigné. 

En l’absence de DS, il l'envoie au niveau des syndicats constitués dans les différentes branches ou au niveau des unions syndicales auxquelles elles ont adhéré (ex. : fédération, union locale). 

En l’absence de syndicat représentatif dans l’entreprise ou l’établissement, ou de syndicat ayant constitué une section syndicale, il peut l'adresser à la confédération syndicale, représentative, nationale et interprofessionnelle. 

Lorsque l’entreprise compte plusieurs établissements distincts, l’invitation est envoyée au syndicat représentatif présent dans l’entreprise ou au DS central qu’il a désigné, même en l’absence de DS dans l’établissement où les élections ont lieu. 

L’employeur qui omet d’inviter des syndicats prend le risque que les élections soient annulées, s’il ne prouve pas qu’il a respecté son obligation d’information. 

Négociation du PAP

L’employeur doit engager loyalement les négociations. Les syndicats, tout comme lui, doivent jouer le jeu de la négociation. Les négociations supposent souvent plusieurs réunions jusqu’à la signature d’un protocole d’accord préélectoral. 

L’employeur doit fournir aux syndicats participants à la négociation les éléments nécessaires au contrôle de l’effectif de l’entreprise et de la régularité de la liste électorale. 

À défaut, il risque l’annulation des élections. Même si le code du travail n’indique pas quand ces informations doivent être communiquées aux syndicats (avant les négociations ou au cours de celles-ci), il est conseillé de les communiquer quelques jours avant la première réunion de négociation. 

Faute de négociation loyale, le juge peut annuler les élections et l’employeur peut être condamné pour délit d’entrave à l’exercice du droit syndical. 

L’employeur ou son représentant (ex. : le DRH), le chef d’établissement (lorsque l’élection a lieu dans le cadre de l’établissement), négocient le PAP. 

Faute de règle légale sur la composition et le nombre de la délégation syndicale, chaque syndicat peut composer son équipe de négociateurs comme bon lui semble. Il peut s’agir du DS ou d’une personne mandatée qui peut être salariée de l’entreprise ou non. 

Le DS n’a pas à justifier d’un mandat spécial pour négocier le PAP. 

En revanche, la personne mandatée par un syndicat pour négocier doit détenir un mandat exprès. 

Vote électronique
Le code du travail prévoit qu’une clause du PAP peut modifier le nombre de sièges

Contenu du PAP 

Clauses obligatoires du Protocole d’accord pré-électoral CSE

Plusieurs clauses doivent être présentes dans le protocole d’accord. Elles correspondant à l’objet de cet accord : 

-la répartition du personnel dans les collèges électoraux ; 

-la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel ; 

-la proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral ; 

-les modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales ; 

-les dispositions prises pour faciliter la représentation des salariés travaillant en équipes successives ou dans des conditions qui les isolent des autres salariés (si nécessaire dans l’entreprise) ; 

-le choix de l'envoi dématérialisé, sur le site du ministère du Travail, des résultats de l'élection en cas de scrutin sous enveloppe. 

Lorsque cette option est retenue, le PAP doit prévoir le recours au vote électronique. Il mentionne précisément le nom du prestataire choisi pour le mettre en place lorsque celui-ci est déjà connu. 

Clauses facultatives du Protocole d’accord pré-électoral CSE

Le code du travail prévoit qu’une clause du PAP peut modifier le nombre de sièges ou le volume des heures individuelles de délégation dès lors que le volume global de ces heures, au sein de chaque collège, est au moins égal à celui prévu par le code du travail au regard de l’effectif.

En d’autres termes, si le nombre d’élus est réduit, le volume des heures individuelles de délégation des élus est augmenté proportionnellement, et inversement. 

Dans les entreprises de 50 salariés à moins de 300 salariés, le PAP peut déroger à la règle limitant à 3 le nombre de mandats successifs d’élu au CSE. Cette dérogation est à durée indéterminée, sauf précision contraire. Si le protocole n’en indique pas la durée, celle-ci s'applique jusqu’à ce qu’un nouveau protocole la remette en cause. 

En tout état de cause, il est possible de négocier des clauses plus favorables pour les salariés que les dispositions légales ou conventionnelles, et de les intégrer dans le protocole. 

Clauses interdites du Protocole d’accord pré-électoral CSE

Il est interdit d’insérer dans le protocole d’accord préélectoral des clauses moins favorables aux salariés que les dispositions légales et des clauses contraires aux principes généraux du droit électoral. 

Par exemple, il est inutile de prévoir dans le PAP une clause : 

-fixant une date d’appréciation des conditions d’électorat et d’éligibilité, antérieure au premier tour ; 

-considérant que les candidatures présentées au premier tour ne peuvent pas être maintenues au second tour ; 

-écartant de l’électorat et de l’éligibilité les salariés exerçant des fonctions managériales prédéfinies, au motif qu’ils seraient assimilables à l’employeur. 

Adoption d’un PAP sans syndicat 

Le processus électoral se poursuit : 

-lorsque, bien qu’invitées, aucune des organisations syndicales n’a négocié le protocole d'accord préélectoral ; 

-ou lorsque les négociations du PAP ont échoué. 

L’employeur fixe alors seul les modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales. Il répartit le personnel et les sièges entre les différents collèges électoraux. 

En pratique, il peut rédiger le PAP de toutes pièces, adapter un précédent PAP ou repartir du dernier état du texte négocié. 

Lorsque les négociations n'ont pas abouti, les modalités des élections peuvent être fixées par le tribunal judiciaire statuant en dernier ressort selon la procédure accélérée au fond. 

Lorsque la négociation du PAP, sur la répartition du personnel et des sièges dans les collèges, a échoué, l’employeur (ou les syndicats) doit saisir le DREETS du siège de l’entreprise ou de l’établissement afin qu’il fixe la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux. 

Le fait d'avoir saisi le DREETS suspend le processus électoral jusqu'à sa décision. Cela entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin. Si le DREETS ne se prononce pas dans le délai de 2 mois, l’employeur ou les syndicats intéressés peuvent saisir le tribunal judiciaire dans les 15 jours.